La chanson revancharde
Après la défaite de Sedan et l'énorme traumatisme que représentait la perte de l'Alsace-Lorraine, ce répertoire, outrageusement belliciste et xénophobe a connu un énorme engouement populaire au
café-concert. Ce répertoire revanchard, qui commençait à tomber en désuétude, sera remis au goût du jour dès le début du conflit.
De la haine à la compassion
Lorsque la guerre éclate, elle apparaît, pour beaucoup, comme l'occasion de prendre enfin cette fameuse « Revanche » sur un peuple dépeint, dans un nombre considérable de chansons comme barbare
et assoiffé de sang. Notons que lorsque le conflit semble devoir s’inscrire dans la durée, beaucoup d’auteurs nuancent quelque peu le propos, la compassion pour les victimes primant sur
l’exhortation à la haine.
Des chansonniers dans la Grande Guerre
Nous évoquerons trois d’entre eux : Montéhus, Maurice Doublier et Théodore Botrel. Le premier fait partie de ces intellectuels pacifistes, marqués à gauche, s’étant rallié à « l’Union sacrée »
prônée par Poincaré. Il mit, provisoirement, de côté ses idéaux en écrivant bon nombre de chansons d’une tonalité nettement cocardière. Journaliste dans le civil, Maurice Doublier écrivit des
chansons à l’humour incisif, reprises en chœur pas ses camarades d’infortune. Auteur de l’inoubliable « Paimpolaise », Théodore Botrel, nationaliste grand teint se distingua, quant à lui, avec
des chansons va-t-en-guerre et racoleuses à souhait, pour de pas dire nauséabondes.
Quand Madelon
Chanson emblématique de la Grande Guerre. Créée au mois de mars 1914, cette chanson laissa de marbre un public majoritairement civil et n’eut aucun succès. Chantée devant les poilus, elle fit un
triomphe et se propagea comme une trainée de poudre de régiment en régiment. Chanson de marche entrainante et joyeuse, ce qu’elle nous raconte est, toutefois, beaucoup moins gai qu’il n’y parait
puisqu’elle aborde, en définitive, le thème de la misère affective et sexuelle du combattant.
Les chansons de tranchées
Des milliers de chansons, œuvres d’amateur pour la plupart, écrites sur des airs connus de tous pour être facilement chantées en chœur, dépeignent, souvent avec une bonne dose de dérision, la vie
quotidienne des poilus. Nombre de sujets sont abordés : le pinard, la « bectance », les poux… Mais aussi le mal du pays et les mères, marraines de guerre, épouses, fiancées qui, à l’arrière,
pensent à eux. Des chansons de tranchées, comiques ou poignantes, qui constituent un fonds d’archives à même de nous éclairer sur la condition des soldats du front.
Chansons « contre »
Dès les premières batailles, commencent à circuler, sous le manteau, des chansons résolument hostiles à l’autorité militaire, à la guerre, et, surtout, aux conditions inhumaines dans lesquelles
elle est pratiquée. Parmi elles, La chanson de Craonne reste un élément central dans la mémoire de la Première Guerre mondiale. Création collective anonyme, elle connut les foudres
de la censure bien au-delà de l’armistice. Elle fit pour la première fois l’objet d’un enregistrement sur disque en 1963.
La Victoire en chantant
Entre euphorie et amertume, le thème de la victoire a été très abondamment chanté et ce depuis le début du conflit. Dès l’armistice, quantité de refrains triomphalistes vont éclore sur les scènes
des cafés-concerts et se propager dans les rues. On notera que le poilu y occupe une place de choix, devançant largement les grandes figures du commandement. Beaucoup plus tard, Georges Brassens,
Barbara, Léo Ferré, Jacques Brel, Maxime Le Forestier ou Juliette reviendront, en poésie, sur cet épisode terrible de notre histoire.